Après les Jeux olympiques et les déboires de son gouvernement, c’était certainement un autre moment de l’année où les yeux du monde entier se sont tournés vers la France : la réouverture de Notre-Dame de Paris, le 7 décembre dernier. Bien que les Québécois soient particulièrement attachés à leur patrimoine bâti religieux, ce n’est pas ça qui a retenu l’attention ici. Trois photos, toutes simples en apparence, ont ébranlé l’univers médiatique du Québec. Retour sur le périple de 24 heures en France d’un François Legault en quête de l’image parfaite. Une tournée réussie, un modèle à reproduire.
Une image vaut mille mots
En politique en 2024, s’il n’y a pas de photo publiée sur les réseaux sociaux, est-ce que tu étais vraiment là? Il ne faut pas se méprendre, François Legault n’allait pas à Notre-Dame que pour admirer la grandeur de la cathédrale ou encore les prouesses architecturales et d’ingénierie de ses rénovateurs. Depuis son arrivée en poste, il nous a démontré à quelques reprises que la diplomatie étrangère n’était pas sa priorité. Chacun de ses déplacements à l’international a toujours une motivation bien précise en marge de l’objectif officiel. Cette fois, prendre une photo avec Donald Trump justifiait le voyage. La discussion, dans le contexte, devient même secondaire. L’escapade du premier ministre est-elle inspirée par les retombées positives du déplacement surprise de Justin Trudeau à Mar-a-Lago? Assurément.
Plus tard, c’était au tour d’Elon Musk, le milliardaire fondateur de Tesla et influent donateur du président américain désigné, de se faire intégrer à la stratégie de relations publiques du premier ministre. Une photo, une brève discussion et d’un seul coup, François Legault donnait l’impression d’être proactif dans le dossier de la filière batterie. Même chose pour le président ukrainien Volodymyr Zelensky, une poignée de main symbolique alors que le Québec a accueilli son lot de réfugiés du pays d’Europe de l’Est toujours affligé par la guerre.
Laisser des traces de vos actions
Ces trois photos nous ont fait oublier que François Legault avait été relativement absent de la scène internationale depuis son début de mandat et nous confirment l’importance de documenter nos actions sur les réseaux sociaux. Nous ne saurons probablement jamais ce qui s’est réellement dit, par contre, une chose est certaine, nous nous souviendrons que M. Legault, lui, a parlé à M. Trump pour défendre le Québec. La force et le pouvoir d’un instant capturé. Les paroles s’envolent, les écrits restent, mais les photos circulent encore plus rapidement.
Pour des adeptes de la communication comme nous, fournir un contenu gratuit qui suscite l’intérêt, il n’y a rien de mieux à offrir aux médias. Tout au long de cette enfilade de photos publiées sur X, l’équipe du premier ministre a été en contrôle du message, mais surtout du sous-texte. « Monsieur Legault est un joueur important sur la scène internationale, il prend les devants pour défendre le Québec. » Ils en ont dit juste assez pour que la toile québécoise s’enflamme et que les médias ne puissent pas passer à côté de ces réactions spontanées, générant articles et reportages au passage. Ils ont offert un «side show» monumental aux médias qui ont un désir beaucoup plus fort de couvrir de la nouvelle que de commenter en direct une longue cérémonie religieuse et protocolaire. Ils ont saisi une occasion d’occuper l’espace médiatique en réorientant la couverture de l’événement d’une main de maître.
Mais la réalité derrière ces images est plus raide. Les tarifs douaniers ne se régleront pas à coups de photos sur les réseaux sociaux, redresser les déboires de la filière batterie ne se fera pas avec une poignée de main avec Elon Musk, et les Ukrainiens ne recevront pas plus d’aide du gouvernement parce que le premier ministre a salué son dirigeant sur les réseaux sociaux. Ce seront, au final, les résultats qui parleront d’eux-mêmes. Nous aurons alors une belle occasion de ressortir ces vieilles photos et d’établir si oui ou non, l’objectif réel a bien été atteint.