Débat 2025 – Quel effet sur les électeurs? 

17 avril 2025

Analyse

Temps estimé: 5 minutes

Du changement d’heure de diffusion au profit du match des Canadiens de Montréal à l’exclusion du Parti vert à quelques heures de l’événement, le chemin menant à ce premier débat des chefs aura, pour le moins qu’on puisse dire, été rempli de rebondissements. Ce débat permettra-t-il aux électeurs québécois et francophones hors Québec de faire un choix plus éclairé le 28 avril prochain? 

La première question à se poser est la suivante : est-ce que la place des débats télévisés demeure aussi importante en 2025 alors que les canaux alternatifs sont plus nombreux que jamais? Voyons-nous toujours des effets comparables à l’historique débat entre John F. Kennedy et Richard Nixon, ou, plus près de chez nous, entre Brian Mulroney et John Turner? Si la pertinence demeure, les effets sur le vote sont plus difficiles à mesurer. 

Les débats, match de hockey ou non, sont l’occasion de réunir au même endroit les chefs des principaux partis politiques dans un contexte hautement contrôlé. Principalement pour offrir une tribune pour ceux et celles qui n’ont pas encore fait leur choix, mais aussi pour conforter l’opinion des gens dont le vote était décidé avant même le déclenchement de la campagne électorale.  

Il faut savoir que la télévision jouit encore d’une audience considérable, notamment chez les tranches d’âge avec les plus hauts taux de participation aux élections. Les 55 à 74 ans se démarquent par exemple avec une participation oscillant entre 68 et 75 % lors de la dernière élection fédérale. 

Analyse du débat des chefs 2025 

D’abord, le contenant. On ne peut faire abstraction de la qualité du français, qui reste une langue seconde pour trois des participants, donnant à Yves-François Blanchet un net avantage lorsqu’il s’adresse aux Québécois. Pour les francophones qui étaient à l’écoute, le format et le rythme des discussions, supervisés d’une main de maître par le modérateur Patrice Roy, permettaient tout de même aux intervenants d’amener leurs propositions sur les grands thèmes identifiés : guerre commerciale, coût de la vie, énergie et climat, immigration et affaires étrangères et identité et souveraineté. 

La perception et le non-verbal jouent pour beaucoup à l’écran. Depuis le début de la campagne, on remarque le sourire – parfois forcé – de Pierre Poilièvre, tentative de son équipe de changer le narratif autour de sa personnalité abrasive. On veut le rendre plus accessible, voire même sympathique.  

Du côté du premier ministre Carney, sa prestance demeure la même. N’étant pas très connu du grand public, les Canadiens n’ont pas eu le temps de s’en faire une image négative. La prémisse qui s’accroche depuis plusieurs semaines ne change pas : on fait confiance à l’expérience économique de Mark Carney pour nous sortir de l’incertitude. Ses quelques faux pas n’entachent pas les intentions des électeurs jusqu’ici, et sa performance au débat ne devrait pas inverser cette dynamique. 

Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois, en sort objectivement comme le meilleur débatteur avec une joute verbale et un argumentaire salué par les analystes. Comptant actuellement 33 sièges au parlement, on voit dans les sondages que le Bloc québécois recule dans les intentions de vote, derrière les libéraux qui ont retrouvé une avance qu’on n’avait pas vue depuis longtemps au Québec. Ceci s’explique en grande partie par le concept de valeur refuge qui, en temps de crise, pousse les électeurs à se tourner vers un parti de gouvernement, un choix plus sûr. Ce débat aura-t-il réussi à faire gagner des points à M. Blanchet au Québec? Difficile de prédire si sa performance aura été suffisante. 

Finalement, le chef du NPD, Jagmeet Singh, n’a pas su sortir du lot bien qu’il ait livré quelques citations chocs à ses adversaires. Son entêtement à parler de soins de santé lui aura valu de se faire couper le micro par l’animateur. S’attaquer au modérateur en plein milieu d’un débat déjà cacophonique par moment ne donne pas la meilleure impression aux téléspectateurs. 

Et le contenu dans tout ça?

Dans l’absence d’un cadre financier, il devenait plus difficile pour les candidats de détailler les dépenses et les revenus associés à leurs différentes propositions. Au final, chacun n’aura eu qu’un peu plus de 22 minutes pour exposer sa vision. Alors qu’il devient de plus en plus difficile pour les électeurs de les départager dans une course à quatre, ce n’est pas tant le contenu – chiffres et statistiques donnés à la va-vite – qui est gage de succès en débat, mais bien le candidat lui-même, sa posture, ce qu’il dégage, ce qu’il réussit non seulement à faire comprendre, mais surtout ressentir, notamment à travers des prises de position fondées sur des valeurs. 

Prochaine étape : le débat en anglais, pour lequel les attentes sont plus élevées sans barrière de la langue. Atteignant un auditoire deux fois plus important, et s’adressant à la grande majorité des Canadiens, nous y verrons fort probablement les visions des deux meneurs de la course s’affronter de plein fouet, après un premier exercice hier soir. 

Citations les plus remarquées 

« Vous avez montré que vous êtes aussi inutile que la monarchie »  

– Jagmeet Singh à Yves-François Blanchet 

« Il n’y a pas d’acceptabilité sociale pour le statu quo »  

– Pierre Poilièvre sur la question de l’énergie 

« Vous revendiquez de l’expertise en négociation, peut-être en paradis fiscaux »  

– Yves-François Blanchet à Mark Carney sur la question de guerre commerciale avec les États-Unis 

« M. Poilievre n’est pas M. Trudeau. Moi non plus » 
– Mark Carney en réponse à Pierre Poilièvre qui l’accusait d’être exactement comme l’ancien premier ministre