Équilibre budgétaire : peut-on encore l’atteindre? 

4 April 2025

Analyse

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Il n’y a rien de plus clair que l’article 6 de la loi sur l’équilibre budgétaire : Le gouvernement ne peut encourir aucun déficit budgétaire. Mais pourquoi à chaque budget, ça arrive? Un exercice comptable plutôt difficile à comprendre, n’est-ce pas? Loin de moi la prétention d’être un expert en finances publiques, mais on peut assurément se remémorer les bases de celles-ci.

Commençons par le commencement. Le solde budgétaire est calculé avec l’écart entre les revenus et les dépenses de l’État. Il ne prend pas en compte le Fonds des générations (nous y reviendrons). 

Art. 6.2 : Le gouvernement atteint l’équilibre budgétaire lorsque le solde budgétaire est nul ou affiche un excédent.

L’équilibre budgétaire et/ou le déficit zéro sont la même chose. C’est cet objectif de ramener les finances de l’État dans une neutralité pour diminuer la dette québécoise. 

Même si la loi prévoit que c’est impossible pour le gouvernement de faire des déficits, il se peut que celui-ci arrive à un solde déficitaire lors du dépôt de son budget. C’est alors qu’entre en jeu le fameux retour à l’équilibre budgétaire. 

Un peu d’histoire. C’est le duo formé de Lucien Bouchard et de Bernard Landry (vice-premier ministre et ministre des Finances) qui a instauré cette loi en 1996. Ce n’est un secret pour personne, le premier ministre péquiste de l’époque avait fait sa priorité numéro un de faire le ménage dans les finances de l’État. C’était tellement sa priorité, que dans son premier discours d’ouverture, il évoquait déjà l’idée de créer cette loi. Certains attribueront un désordre dans les finances de l’État en raison de l’année référendaire que venait de vivre le Québec. Pour Lucien Bouchard, le Québec ne devait pas perdre une minute à chercher les coupables et devait se relever de cette période houleuse pour les finances publiques. Il avait alors organisé un sommet réunissant des mondes normalement impossibles à réunir: le communautaire et l’entreprise privée, les patrons et les syndicats, le gouvernement et les oppositions. Bref, tout le monde allait pouvoir aider à redresser l’économie. Un projet de loi allait rapidement suivre et serait aussi appuyé par Daniel Johnson, alors chef de l’Opposition officielle. Le retour à l’équilibre budgétaire allait être l’affaire de tous, du moins, pendant un certain temps. 

Appliquer cette loi: pas un jeu d’enfant

La loi prévoit que le ministre doit absolument présenter un plan de retour à l’équilibre budgétaire sur cinq ans lors du dépôt de son budget déficitaire. Qu’est-ce qu’un déficit assez important pour considérer que nous sommes en période déficitaire? C’est la barrière du milliard de dollars qui place le gouvernement dans un contexte de déficit et qui le force à présenter un plan de relève. Sous la barre du milliard de dollars, le gouvernement doit rétablir les finances dans l’année suivante, comme le prévoit l’article 8. 

Art. 8. Si un dépassement de moins de 1 000 000 000 $ est constaté pour une année financière, le gouvernement doit réaliser un excédent égal à ce dépassement au cours de l’année financière subséquente.

Mais il existe des exceptions pour le dépôt d’un plan de retour à l’équilibre budgétaire comme l’arrivée d’une catastrophe qui ferait des dommages à notre économie, les conditions économiques qui se détériorent ou encore des transferts vers le fédéral qui n’étaient pas prévus. Depuis, la loi a aussi été modifiée pour s’adapter aux réalités de notre époque. Le Parti libéral du Québec y a inséré la question du Fonds des générations. L’équilibre budgétaire se calcule maintenant en soustrayant certains revenus, comme les redevances d’Hydro-Québec, afin de diminuer la dette du Québec.

Le gouvernement Legault l’a aussi modifiée pour se donner plus de marge de manœuvre en raison de l’incertitude budgétaire des dernières années, notamment avec la pandémie et maintenant avec la guerre tarifaire avec les États-Unis. Sachant qu’il serait trop difficile de revenir à l’équilibre budgétaire en période de récession.

Dans les cinq ans prévus pour revenir au déficit zéro, le ministre des Finances peut encore faire certains déficits. Par contre, il doit adapter son plan de retour à l’équilibre budgétaire, le présenter et le justifier devant les parlementaires.

Le Fonds des générations, un outil pour la dette publique

Ce Fonds, géré par la Caisse de dépôt et de placement du Québec (CDPQ), a comme seul but de diminuer le poids de la dette du Québec et rassurer les agences de notation qui statuent sur le taux d’emprunt du gouvernement. Le ministre peut décider par lui-même d’affecter des sommes directement au Fonds, mais la majorité sont des sommes provenant des revenus de l’hydroélectricité québécoise. 

En résumé, le Fonds des générations vise à garantir un avenir économique plus stable pour le Québec en réduisant la dette publique à long terme grâce à un placement judicieux des excédents budgétaires actuels. Les rendements de la Caisse de dépôt étant historiquement plus élevés que le coût des fonds du gouvernement.

Comment ça nous affecte?

On peut penser que la dette ne nous affecte pas en tant que citoyen ou organisation, que c’est bien loin de nous. Par contre, comme le gouvernement est forcé de faire des ajustements dans son budget pour atteindre le déficit zéro, ce sont nos services qui peuvent en souffrir. Certains ministères peuvent recevoir moins d’argent que prévu, d’autres peuvent se voir couper leur financement sur certains programmes. C’est alors un jeu d’équilibriste pour le gouvernement en place, pour que le citoyen ne soit pas trop touché. 

La réponse à la question posée en titre est donc: oui, nous pouvons encore atteindre l’équilibre budgétaire. Mais rien ne dit qu’une récession n’est pas à nos portes, que des tarifs n’apparaîtront pas du jour au lendemain avec nos alliés ou qu’un autre virus mette la planète sur pause. Le gouvernement doit faire des choix pour y arriver, mais ce sont aussi ces choix qui seront la base du jugement des électeurs lors des prochaines élections. Un beau casse-tête politique!