C’était en 2019, par une douce journée d’automne : sous le soleil de septembre, dans un élan mêlant espoir et colère, 500 000 personnes de tous les horizons ont foulé les rues de Montréal pour inciter nos gouvernements et décideurs politiques à agir à la hauteur des bouleversements climatiques auxquels notre planète est confrontée.
Depuis, il s’en est écoulé, des événements météorologiques extrêmes, dont les occurrences sont autant d’indices des impacts des changements climatiques pour lesquels les marcheurs du 27 septembre 2019 demandaient des mesures d’atténuation et d’adaptation plus ambitieuses.
On ne savait pas, il y a cinq ans, que nous traversions ce qui serait jusqu’ici l’apogée du discours d’urgence climatique sur la scène politique et médiatique québécoise. Bien qu’on puisse attribuer un changement de priorités initial à la pandémie et à ses relents qui se font sentir à ce jour dans notre économie et nos services publics, la cause environnementale et climatique ne se trouve pas en particulièrement meilleure posture au début d’année 2025.
Naviguer à travers le ressac
Affirmer que la conjoncture politique et économique actuelle n’est pas favorable aux grands engagements environnementaux relève de l’euphémisme. Depuis l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, les signaux ne mentent pas : de grandes entreprises américaines et des institutions financières à l’international renient leurs engagements en matière de responsabilité sociale et environnementale, tandis qu’on réévalue ici l’atteinte de nos différents objectifs de décarbonation de l’économie, dont le report possible de la cible du gouvernement du Québec pour l’interdiction de la vente de véhicules à essence neufs en 2035.
L’incertitude économique autour des tarifs commerciaux brandis par la Maison-Blanche et les aspirants successeurs à Justin Trudeau cherchant à se détacher du bilan de l’impopulaire chef libéral en larguant la tarification du carbone pour les consommateurs contribuent à refroidir les ardeurs vertes de nos décideurs. Cela inclut le gouvernement Legault, pour qui les promesses de la filière batterie auront finalement drainé beaucoup d’énergie (et de capital politique) cet automne.
4 dossiers à garder sur votre radar
Malgré le ressac qui se fait sentir à Washington comme à Ottawa, plusieurs dossiers critiques pour la transition climatique et énergétique du Québec seront à l’ordre du jour politique des prochains mois.
Un omnibus environnemental étudié à l’Assemblée nationale
Avec son projet de loi 81, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, entend d’un coup modifier les huit lois sous l’égide de son ministère. L’objectif premier du projet de loi: l’accélération du processus d’évaluation et d’examen des impacts environnementaux. Celui-ci inclut également des dispositions touchant aux véhicules lourds zéro émission (dont la rapidité d’implantation devrait elle aussi être revue en raison du changement de cap américain), à l’harmonisation des réglementations provinciales et municipales en environnement, ainsi qu’à la protection des espèces menacées et des milieux naturels. Sur ce dernier point, la révision du mécanisme derrière l’utilisation des compensations financières exigées pour atteinte aux milieux naturels, qui a été largement critiqué pour son inefficacité, promet de retenir l’attention, au même titre que le pouvoir que veut s’accorder le gouvernement de permettre des travaux préalables sans évaluation environnementale s’il juge qu’un projet contribue à l’atteinte des objectifs climatiques et énergétiques du Québec.
Mise à jour du Plan pour une économie verte
Le ministre Charette a réagi à la première vague de décrets exécutifs signés par le président Trump en déclarant que la prochaine mise à jour du Plan pour une économie verte (PEV) 2030 de son gouvernement, attendue ce printemps, devrait prendre en compte la nouvelle donne politique américaine. On peut donc s’attendre à ce qu’il mette la pédale douce sur le resserement des réglementations environnementales existantes ou l’annonce de nouvelles mesures d’écofiscalité touchant les entreprises. La révision de la cible pour l’interdiction de la vente de véhicules à essence neufs devrait quant à elle venir au début de 2026.
L’avenir de l’héritage Fitzgibbon
La session d’automne devait être celle de la transition énergétique à l’Assemblée nationale, avec l’étude du projet de loi 69 déposé par l’ex-super ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon. Couplé aux différents investissements visant à consolider la filière batterie et « faire du Québec la batterie verte du nord-est de l’Amérique », ce texte législatif devait permettre au gouvernement de se doter d’un cadre de gouvernance permettant de mieux planifier les besoins en énergie amenés par la décarbonation et gérer les ressources énergétiques conséquemment en instaurant le fameux PGIRE (plan de gestion intégré des ressources énergétiques).
Depuis la démission de M. Fitzgibbon et son remplacement par Christine Fréchette, le projet de loi a toutefois fait du surplace au parlement. Le gouvernement envisagerait-il d’y apporter des modifications afin de recadrer certains éléments qui faisaient davantage partie de la vision de l’ancien ministre que du positionnement caquiste traditionnel ? Une question épineuse demeure celle des tarifs d’électricité : si d’un côté le premier ministre promet toujours de les plafonner à 3% pour les consommateurs résidentiels, des industriels ont commencé à demander au gouvernement de revoir ses intentions d’augmenter les tarifs payés par les entreprises alors que les menaces américaines mettent des secteurs de l’économie québécoise à risque. À cela, le gouvernement Legault répond que les tarifs d’électricité payés par les industries établies au Québec demeureront les plus compétitifs en Amérique du Nord.
Les grands projets éoliens
Pour conclure dans le rayon des bonnes nouvelles : nous constatons les premiers fruits du plan d’action 2035 d’Hydro-Québec avec les annonces qui se multiplient dans le domaine éolien. Le nouveau modèle de partenariat d’Hydro-Québec, qui réunit autour de la table de ses grands projets les représentants des Premières Nations et les municipalités, obtient de bons résultats jusqu’ici. Le développement éolien maintient son lot de défis au volet de l’acceptabilité sociale, de la main-d’œuvre et de la protection de la biodiversité, notamment. Autant d’enjeux sur lesquels doivent se pencher les entreprises, les associations de gens d’affaires et les groupes de la société civile afin de bien communiquer leurs priorités face à l’avènement de ces projets dans leurs régions.
