Pour bien exercer leurs nouveaux super pouvoirs, les villes et municipalités devront faire preuve de prudence et communiquer plus efficacement que jamais. Voici trois conseils pour elles.
Il y a longtemps que les associations municipales (UMQ, FQM) demandaient au gouvernement de leur permettre de lever l’approbation référendaire pour des projets immobiliers, afin d’éviter des procédures souvent coûteuses et que les projets ne soient sans cesse rejetés. Le gouvernement a d’ailleurs lancé récemment un «chantier de travail» sur la question.
La crise du logement, les difficultés grandissantes des villes à financer le maintien de leurs infrastructures existantes, les nouvelles orientations gouvernementales en aménagement du territoire (OGAT) et l’élection d’une nouvelle vague d’élus penchant vers la protection accrue des milieux naturels ont tous été des facteurs qui ont mené à l’assouplissement récent des règles en matière d’urbanisme afin d’accélérer la construction de logements.
Ces nouvelles mesures — principalement l’œuvre du PL 31 — permettent exceptionnellement à certaines villes de passer outre la fameuse obligation d’approbation référendaire, dans certaines conditions. Le passage, dans plusieurs villes, de réglementation de contrôle provisoire mène aussi les élu.e.s à envisager l’accélération des projets dans des secteurs épargnés par ces nouveaux «moratoires».
À l’image des nouveaux pouvoirs de taxation des villes, ces nouveaux « super pouvoirs » en urbanisme sont des outils à utiliser avec précaution. En effet, même si le processus d’approbation référendaire inclus dans la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) est parfois critiqué par des élus, il n’en demeure pas moins un rempart important contre des décisions potentiellement mal avisées de conseils municipaux pressés de pousser des projets qui n’ont pas passé le test de l’acceptabilité sociale. Un peu comme le processus d’évaluation environnementale, les mécanismes de la LAU permettent de favoriser une planification raisonnée du territoire.
Les embûches à considérer
Il convient d’ailleurs de rappeler qu’un projet ne peut actuellement être refusé par les citoyens et citoyennes par voie référendaire que s’il déroge aux normes prévues au plan d’urbanisme. Autrement dit, ce sont les projets hors norme qui peuvent avoir à passer le test de l’approbation référendaire, si des opposants le réclament – un processus qui n’est pas si simple par ailleurs. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que l’Ordre des urbanistes du Québec ait exprimé de « vives préoccupations » à l’égard de la loi 31. L’Ordre privilégie sans surprise, avant l’utilisation des super pouvoirs des villes, une « actualisation des plans et des règlements d’urbanisme à la lumière de l’impératif de la densification urbaine et de la crise de l’habitation, plutôt que l’utilisation de procédures exceptionnelles d’autorisation ». Bref, le meilleur moyen d’éviter l’approbation référendaire est, selon l’Ordre, de mieux planifier la densification.
Une autre chose à considérer pour les villes est l’adhésion encore très relative de la population aux volontés de densification de certains élus. En effet, un récent sondage Léger mené pour le compte de l’APCHQ montre que les préférences en matière de développement urbain ne pointent pas clairement à une densification de nos villes. Des quelque 58 % des répondants qui affirment avoir une préférence spécifique pour un type de développement ou un autre, presque la moitié disent préférer l’expansion vers des zones non développées. De surcroît, un bon 34 % préfèrent des projets d’habitations… unifamiliales. Force est de constater que François Bonnardel n’avait pas tout faux quand il a qualifié de « mode » la volonté de densifier nos villes défendue par plusieurs.
Autre chose à prendre en considération pour les élus qui ambitionnent de passer outre le processus usuel en urbanisme : le sondage nous apprend aussi que la consultation demeure une valeur cardinale pour les citoyens et citoyennes qui, à 82 %, considèrent que « la participation des citoyens aux consultations publiques est essentielle pour le succès des projets d’habitation ».
Alors, comment naviguer dans tout ça?
Trois conseils pour les villes
- Annoncez vos intentions. Comme dans n’importe quel changement, la première chose à faire est de l’annoncer d’une manière transparente et d’expliquer le besoin clairement. Comme dans n’importe quel type de communication, il est aussi toujours préférable de s’inscrire dans un « narratif » existant : une décision est toujours plus facile à comprendre si elle peut être expliquée comme l’aboutissement d’une réflexion déjà annoncée ou de préoccupations déjà mises de l’avant. Une telle posture permettra d’éviter certaines insatisfactions en regard de l’utilisation rapide de ces pouvoirs. Plus on sera précis sur nos intentions et sur la manière d’utiliser ces pouvoirs, mieux ce sera.
- Exigez de l’ouverture des promoteurs. Même si la tendance en aménagement du territoire mène les villes à s’impliquer davantage dans la conception des quartiers, les super pouvoirs en urbanisme rendent cette collaboration encore plus nécessaire. Aussi, il est important que les élus et les équipes administratives soient capables d’orienter les promoteurs pour qu’ils évitent les écueils évidents. Les villes sont les spécialistes du terrain; elles savent ce qui pourrait accrocher, et où ! Il est important aussi de permettre au projet d’évoluer, autant du côté de la Ville que du promoteur.
- Consultez et discutez franchement. Même s’il permet de se mettre à l’abri d’un référendum citoyen, la loi 31 exige néanmoins de tenir une consultation sur un projet. La municipalité ne devrait pas lésiner sur les moyens de consultation. Elle doit avant tout chercher à partager l’information à un nombre maximum de personnes, par les réseaux sociaux, par la poste, par de la publicité dans les médias locaux, etc. Si la consultation des citoyens et citoyennes est nécessaire, il est important aussi d’insister sur le rôle des élus dans la discussion. Les élu.e.s ont en effet un rôle primordial dans le débat – un rôle qui est trop souvent obscurci, voire oublié, avec la montée en popularité du concept de participation citoyenne (à ce sujet, voir ici). Les élus ne sont pas seulement des courroies de transmission de la volonté populaire, mais des leaders d’opinion. Ils et elles aident fondamentalement le débat à prendre forme.