Bilan de session: ce qui a retenu notre attention

Retour sur les nouvelles marquantes d’une saison chargée
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Équipe Catapulte
11 juin 2024
Immigration, crise du logement, déficit, avenir énergétique, l’actualité politique du printemps 2024 a été forte en polémiques et riche en controverses. 

La stratégie adoptée par la Coalition Avenir Québec à la suite de sa chute spectaculaire dans les sondages à l’automne a été payante et a permis de ramener le parti à 25% dans les intentions de vote au cours des dernières semaines.

Pendant ce temps, le Parti Québécois s’est maintenu en tête, stabilisant son score dans les sondages. Malgré une crise interne ce printemps, le vote de Québec solidaire n’a pas bougé outre mesure à la différence des libéraux qui, sans chef, ont réussi à améliorer leur score de quelques points. 

La course à la chefferie libérale, qui commence doucement à soulever les passions, ne démarrera véritablement qu’à l’été 2025, donnera-t-elle suffisamment de temps au parti pour qu’il puisse redorer son image auprès des électeurs?

Avant de profiter de l’été, Catapulte vous propose son bilan de la session de printemps. 
Bonne lecture!

Janvier

Immigration : la prise de conscience

Alors que le gouvernement fédéral avait annoncé à l’automne son intention de maintenir le seuil de 500 000 nouveaux arrivants en 2025, la limite des seuils migratoires est remise à l’ordre du jour médiatique dès janvier alors que le Parti Québécois en fait le sujet de caucus présessionnel. Son angle : placer le débat autour des cibles d’immigration en fonction de la capacité en matière de logements et de services. S'ensuit un effet boule de neige, les autres partis, incluant le gouvernement, reconnaissent qu’un nombre record d’immigrants temporaires (travailleurs temporaires, étudiants étrangers et demandeurs d’asile) mettent une pression indue sur les services de l’État. La ministre Christine Fréchette en a d’ailleurs fait un cheval de bataille auprès du gouvernement fédéral, demandant une compensation financière qui s’est soldée par une proposition mitigée au cours des derniers jours. L’immigration reste depuis des mois un sujet chaud entre les deux paliers de gouvernement, le premier ministre Legault brandissant même le mot honni depuis si longtemps : référendum…sectoriel. Parions que ce dossier n’a pas fini de faire couler de l’encre.

Janvier

Le temps d’écran à l’ordre du jour

Dès le mois de janvier, le Parti Québécois (PQ) a annoncé son intention de placer la question du temps d'écran chez les jeunes au cœur de l'actualité politique. Paul St-Pierre Plamondon (PSPP), alarmé par les effets de la surexposition aux écrans, a proposé des mesures concrètes, dont l'interdiction des téléphones cellulaires dans les écoles et la tenue d'une commission parlementaire. Malgré le rejet initial par la Coalition Avenir Québec (CAQ), le débat a pris de l'ampleur, avec une pression croissante sur le gouvernement pour agir venant notamment de sa propre aile jeunesse qui a réussi à imposer le sujet lors du conseil général de mai. Force est d’admettre que le PQ a réussi à sensibiliser le public et à stimuler un débat nécessaire, ce qui pourrait conduire à des mesures législatives concrètes dans un avenir proche.

Mars

Un déficit record

Le mois de mars aura été marqué par un budget du Québec déficitaire de 11 M$, un déficit record pour le gouvernement de la CAQ, plus habitué aux budgets équilibrés ou en surplus depuis son entrée au pouvoir en 2018. Il faut dire que la tempête parfaite s’est toutefois abattue sur le gouvernement : hausse des taux d’intérêts et des coûts d’emprunts, diminution de l’activité économique et des recettes fiscales, crise du logement, besoins urgents en infrastructures. Les ministères et les groupes d’intérêts habitués à voir une bonne partie de leurs demandes être acceptées dans les dernières années ont vécu la nouvelle réalité comme une douche froide. Le Parti libéral, en osant se (re)faire le parti de la rigueur budgétaire, a tenté de prendre le dessus dans l’opinion publique et de donner quelques leçons d’économie et de finances publiques à la CAQ. Est-ce que cela explique leur regain dans les sondages? Les prochains mois nous le diront.

Mars

La fin du rêve bleu

Le session de printemps a été l’occasion pour la Coalition Avenir Québec de sonner le glas de deux projets nationalistes : le Panier Bleu, plateforme d’achat local mise en place durant la pandémie et ayant connu un succès mitigé, et les Espaces bleus, qui devaient accueillir un volet muséal mettant en lumière l'histoire de sa région à l’intérieur d’édifices patrimoniaux rénovés. Alors que certains y ont vu une occasion de tirer la plug sur des projets devenus des gouffres financiers, d’autres y ont vu un effritement du vernis bleu poudre de la CAQ, surtout en matière de volonté de favoriser l’achat local. Dans le cas des Espaces bleus, le ministre Mathieu Lacombe a décidé de mettre fin au projet devant l’explosion des coûts de rénovation. À la place, le ministre et le premier ministre ont annoncé que l’Espace bleu de Québec, seul survivant du projet, prendrait la forme d’un Musée national de l’histoire.

Avril

Les liens France-Québec ressoudés

Le mois d’avril aura été marqué par l’actualité franco-québécoise. Alors que le ministre de la Culture, Mathieu Lacombe, était présent au Salon du livre de Paris, mettant le Québec à l’honneur, le premier ministre français Gabriel Attal entamait une visite au Canada et au Québec. Le plus jeune premier ministre de l’histoire de France a renoué avec une tradition, entamée sous le gouvernement Lévesque, de la visite alternée des premiers ministres en venant visiter les élus de l’Assemblée nationale. Une telle visite n’avait pas eu lieu depuis 1984. Son passage a été pour le premier ministre français l’occasion de rappeler habilement dans son discours les liens qui unissent la France et le Québec en nommant l’importance de la protection du français et surtout la laïcité. Son passage fut également marqué par une prise de position forte relativement à l’utilisation des écrans, donnant un nouveau souffle à ce dossier déjà chaud, en qualifiant la place de plus en plus prépondérante de ces derniers auprès des jeunes de potentielle catastrophe sanitaire et éducative.

Avril

Le gouvernement présente sa Top-gun

La nomination de Geneviève Biron, ancienne dirigeante du Groupe Biron Santé, à la tête de Santé Québec, marque le décollage ambitieux de la grande réforme de Christian Dubé. Issue du privé, madame Biron se lance dans une mission complexe : intégrer des pratiques de gestion efficaces dans la lourdeur bureaucratique du réseau de la santé, souvent qualifié de mammouth, le tout dans un climat serein, malgré les craintes exprimées haut et fort par les syndicats. Est-ce qu’une telle Agence permettra de mettre en place les changements tant souhaités? Seul le temps nous le dira.

Avril

Noël en avril!

Précédé d’un effeuillage dans les médias rarement vu, le budget du gouvernement Trudeau s’est caractérisé par sa générosité, malgré un déficit de 40 milliards, et son clientélisme faisant fi du partage des compétences avec les provinces. Pouvoir d’achat des citoyens, système universel de garderies, logement, intelligence artificielle, défense nationale, financement des études, la liste est longue. Le gouvernement fédéral a pour une nouvelle année délié les cordons de la bourse. La stratégie des libéraux fédéraux pour équilibrer le tout : faire payer les plus riches. On ne peut parler de ce budget sans évoquer le fameux retrait de l'exemption sur le gain en capital, décrié par beaucoup pour ses effets sur des propriétaires d’actifs, même plus modestes. Voyant dans cette stratégie une opportunité de renflouer ses coffres, le gouvernement du Québec a rapidement emboîté le pas en harmonisant ses propres règles.

Mai

Qui sera dans la course?

Qui va à la chasse perd sa place. C’est un peu ce que doit ressentir Denis Coderre de retour de son périple à Compostelle. Alors qu’il était l’un des seuls candidats à la chefferie du Parti libéral du Québec pressenti durant l’hiver, le parti semble prêt pour une véritable course. Ceux qui craignaient (ou pas) un nouveau couronnement ont de quoi être rassurés, la liste d'aspirants étant passée d’un candidat potentiel au départ de Denis Coderre à quatre candidats pressentis. Les noms de Frédéric Beauchemin, de Charles Milliard, de Karl Blackburn et plus récemment d’Antoine Tardif sont de plus en plus souvent évoqués, ce qui devrait raviver les passions des militants libéraux en dormance. Le recrutement de candidates féminines demeure un défi devant les refus répétés de Marwa Rizqy de se lancer dans la course. On entend cependant de plus en plus de voix qui espèrent une candidature de l’énergique ministre libéral fédéral François-Philippe Champagne.

Mai

Débat sur le pragmatisme de gauche

Le 29 avril, la démission de la co-porte-parole de Québec solidaire, Émilise Lessard-Therrien, provoque une onde de choc chez les militants, plongeant le parti dans une crise existentielle. Élue avec trois voix de plus que sa rivale Ruba Ghazal au congrès de novembre, l’ex-députée de Rouyn-Noranda-Témiscamingue n’aura été en place que quatre mois. Les raisons invoquées : un manque de considération pour ses besoins de porte-parole externe et établie en région, et surtout une remise en cause du leadership du co-porte-parole masculin, Gabriel Nadeau-Dubois (GND) et de sa garde rapprochée. Deux camps s'opposent alors dans une succession de lettres ouvertes dans les médias : les pragmatiques et ceux qui souhaitent que le parti « garde son âme », avec en tête l’ancienne députée Catherine Dorion. GND réussira néanmoins un tour de force politique en ramenant le débat sur l’importance de faire de QS un parti de pouvoir avec un programme simplifié et pragmatique. Cette vision sera en grande partie entérinée lors du Conseil national à la fin mai, par l’adoption de la déclaration de Saguenay visant à rendre certaines demandes historiques du parti plus attrayantes pour les régions. Le programme sera actualisé au prochain congrès à l’automne.

Mai

Une nouvelle agence… en transports?

Après un psychodrame qui aura vu la totalité des dossiers touchant la mobilité à Québec confiés à CDPQ Infra, la ministre des Transports et de la Mobilité durable a remis de l’avant un projet porté jadis par le PQ ayant, dans leur cas, pour but de dépolitiser les projets de mobilité : la création d’une Agence des transports qui s’avère dans les faits être une copie carbone de Santé Québec. Dans un contexte de négociation houleuse avec les villes pour le financement des déficits engendrés par le transport collectif, la ministre s’est d’ailleurs mis les pieds dans les plats en affirmant que la gestion du transport collectif n’était pas une mission du ressort de l’État. Alors que la CDPQ Infra a déjà dévoilé quelques éléments de son rapport sur la mobilité à Québec, proposant d’aller de l’avant avec un projet de tramway réduit, l’Agence ne sera assurément pas prête à mettre en œuvre le projet de tramway. L’agilité gouvernementale tant souhaitée par le gouvernement de la CAQ se cache-t-elle réellement dans la formule miracle de l’Agence?

Mai

Crise du logement, crise d’image  

La session n’a pas été de tout repos pour la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau. Avec l’adoption de son projet de loi 31, qui abolissait notamment le droit de cession de bail des locataires, et quelques déclarations maladroites qui lui collent à la peau, la ministre avait une double mission cette session-ci : trouver des solutions à la crise du logement et devenir crédible. Comment y parvenir? En utilisant une stratégie politique habile : faire d’une demande d’un adversaire une opportunité et celle-ci à été de faire vivre l’esprit de la loi portée par Françoise David à l’époque. Le tout permettant de trouver des solutions pour régler une partie de la crise du logement de manière plus humaine en imposant un moratoire de trois ans sur les évictions et en abaissant à 65 ans la protection aux aînés à faible revenu en cas d’éviction. Cette mesure est considérée par plusieurs comme un gain important, salué par les groupes en logement, les représentants des aînés et par Québec solidaire.

Mai

Le virage attendu vers le maintien à domicile

La ministre des Aînés, Sonia Bélanger a tiré son épingle du jeu au cours de cette dernière session en déposant un plan d’action pour répondre aux besoins en vieillissement de la population axé sur les soins à domicile, répondant à des demandes répétées des groupes de défense des droits des aînés. Est-ce que ce plan se traduira par des actions concrètes et rapides tel que le demandent activement les groupes, spécialement depuis la fin de la pandémie?

Juin

Ferme les portes, on ne chauffe pas le dehors!

Finalement déposée à la toute fin de la session parlementaire sans possibilité de l’adopter avant l’automne, la tant attendue réforme du superministre Pierre Fitzgibbon qui a pour objectif de concilier décarbonation et croissance économique en augmentant la capacité de production énergétique du Québec a suscité nombre de réactions. Plusieurs ont accueilli la réforme en y voyant un pas dans la bonne direction, alors que certains détracteurs estiment que l’approche privilégiée par le ministre met en valeur l'exportation d'énergie plutôt que la décarbonation du Québec.

À surveiller lors de la prochaine session parlementaire

Alors que sonnera l’heure de la mi-mandat en octobre prochain, est-ce que François Legault prendra la décision de brasser les cartes de son conseil des ministres? Amènera-t-il à la table de nouveaux joueurs, permettant de calmer la grogne des membres du caucus qui en ont assez des banquettes arrières? Est-ce que la stratégie de repli employée par la CAQ qui se fait plus avare de sorties médiatiques permettra de lui redonner du souffle dans les appuis populaires? Est-ce que les ambitions de potentiels successeurs au premier ministre commenceront à se faire sentir? Comment le PQ fera-t-il pour maintenir son premier rang dans les sondages? Est-ce que l’équilibre restera possible à QS, malgré la tempête traversée au cours des derniers mois? Et est-ce que la traversée du désert libéral tirera à sa fin avec la frénésie que pourrait créer son imminente course à la chefferie? Tout autant de questions pour lesquelles nous trouverons réponses au cours des prochains mois.  


À suivre à l’automne!

À vous tous, passionnés de politique, bon été!

Rédaction

Anne-Sophie Desprez

Conseillère en affaires publiques

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*Ceci est une initiative de Catapulte Communication. Régulièrement, notre équipe de spécialistes en affaires publiques vous partage le regard d’un de ses membres sur une actualité qui a retenu son attention. Il s’agit d’une opinion à chaud pour engager la discussion et non une analyse exhaustive.

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